Lors d’une formation, Jean vient de passer devant le groupe pour une mise en situation.
A l’issue de l’exercice, Paul, un autre participant, est chargé de lui faire un retour sur ce qu’il a pu constater au cours de l’exercice.
Il commence ainsi :
« Je t’ai trouvé trop souple dans ta façon de lui dire les choses, tu n’étais pas assez présent et pas assez ferme. Tu aurais du lui dire plus clairement que ça n’allait pas »
Dans un autre contexte, Stéphane est manager d’équipe.
Il est sollicité par Ludovic, l’un de ses collaborateurs, pour relire une proposition commerciale à envoyer à l’un de leur client.
« Elle est bien ta proposition. Mais dans ce paragraphe, on ne comprend pas ce que tu veux dire. Et ici, tu devrais revoir le chiffrage, car il y a des erreurs dans les calculs. En plus tu as oublié de prendre en compte le temps nécessaire au diagnostic amont ».
Des situations dans lesquelles nous sommes amenés à faire un feed-back sont nombreuses en entreprise (et dans la vie en général).
Je constate que fréquemment, ils s’articulent autour de ce qui ne va pas. Trop peu d’attention est porté à cet exercice, pourtant essentiel au développement d’un collaborateur.
Or, c’est un moment qui pourrait être riche pour les deux parties.
Les 3 objectifs du feed-back
Pour qu’ils soient réussis, je vous invite à un petit voyage autour du sens à donner aux retours que nous pouvons faire.
Mesurer le résultat
Dans toute action en entreprise, le manager garde la responsabilité du résultat final.
En effet, si son service n’est pas au rendez vous, c’est à lui que l’on vient demander des comptes.
Il est donc indispensable qu’il garde un œil sur ce qui se passe, qu’il contrôle. Interdit de se déresponsabiliser.
On retrouve ici le sens du dicton : « déléguer sans contrôler, c’est démissionner ».
Pour le collaborateur, cette mesure du résultat est aussi un moyen de se positionner, d’être lucide de son niveau de maitrise.
Je suis souvent amusé par une remarque en particulier : lors des entretiens annuels, certains managers sont mal à l’aise face à des collaborateurs qui se sous-estiment, et encore plus mal à l’aise lorsqu’ils se surestiment.
Quand on creuse sur la façon dont sont managés ces personnes, les notions de briefs, de consignes sont fortement présentes.
Les notions de débrief et de contrôle le sont plus rarement, sous couvert de manque de temps, de confiance en ces collaborateurs, ou de croyance du type « ils savent bien ce qu’ils valent », ou encore « tant que je ne dis rien, c’est que ça va »… Sauf en cas de problèmes, où là, on trouve le temps de dire les choses car on s’aperçoit qu’ils ne savent peut-être pas si bien que ça ce qu’ils ont à faire, ou comment le faire.
Mesurer les résultats est ainsi un moyen tant pour le manager que pour le collaborateur de valider l’adéquation entre ce qui est fait et ce qui est attendu.
Donner des signes de reconnaissance
Souvenez vous de ce dossier urgent demandé par votre hiérarchie, sur lequel vous avez sué des jours entiers, mettant de côté vos propres urgences.
Vous voyez ce dossier rouge qui est encore sur le coin de votre bureau, celui que votre manager n’est jamais venu chercher.
Comment l’avez vous vécu ?
Et comment avez vous réagit lors de la demande suivante de votre patron ?
Eh oui, faire un feed back, c’est aussi reconnaître le travail fournit. Que ce soit une réussite ou un échec, c’est un moyen d’apporter un signe de reconnaissance à son collaborateur, reconnaître son investissement, lui apporter un retour d’image sur ce que vous pensez de son travail ?
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« Nous sommes responsables de notre manque en signes de reconnaissance »
Accompagner la progression
Dire « OK » ou « NOT OK » par rapport au résultat (1er objectif), et dire « J’ai vu ce que tu as fait » (2ème objectif) est un bon début.
Répondre à ce troisième objectif de mise en développement, c’est mieux structurer son retour d’image.
C’est permettre soit de reproduire une réussite, soit d’éviter un futur échec.
En effet, ce feed-back doit permettre à un collaborateur de progresser.
Pour cela, apporter du factuel et des exemples concrets lors du feed-back, c’est donner des points de repères, faire prendre conscience des actes, et permettre de les reproduire.
C’est aussi mettre le doigt sur ce qui peut être amélioré, en identifiant le COMMENT l’améliorer.
Pour toutes ces raisons, il est tout aussi important d’apporter un fee-back sur une réussite que sur un échec
Pour le manager, c’est également un moyen de quitter ce ressenti de pompier qui n’intervient que pour éteindre les urgences, quand ça ne va pas. C’est redonner du sens à son métier en travaillant sur la dimension humaine.
Du coup, comment organiser les choses pour être constructif.
Le contenu du feed-back
Quand mon fils a commencé à faire du tennis, il a été repéré car il avait un point fort naturel, non calculé : son revers.
Sur quoi son entraineur l’a fait travailler en premier ?
Son revers !
En effet, avoir un bon coup droit et un bon revers n’est pas suffisant pour gagner un match. Travailler son revers lui a permis de développer un point vraiment différenciant, le tout dans le plaisir, et de développer sa confiance en lui.
(Le fin mot de l’histoire, c’est que comme il n’a jamais eu l’esprit de compétition… vous imaginez la suite ! Mais au moins, il a pris du plaisir).
Insister sur les atouts
Soyons sincère, si les managers oublient de dire ce qui fonctionne bien, de l’autre côté de la barrière, ça nous arrange un peu : nous avons aussi du mal à nous reconnaître nos atouts.
Mais commencer son retour d’image par les atouts, c’est pour le manager, être plus objectif sur son collaborateur.
C’est pour le collaborateur, être plus lucide de son niveau réel.
Attention néanmoins.
Pour que l’interlocuteur entende et accepte, sans fausse pudeur, ces compliments, il est important que ceux ci soient construits.
Pour cela, si le manager a une impression positive sur son collaborateur ou sur ce qu’il a fait, son discours a intérêt à être concret, illustré. Pour cela, il se doit d’argumenter son ressenti par des observations et des actes précis.
« Je trouve que tu as progressé en réunion »
(ok, bon début, mais ça ne fait pas avancer beaucoup le schmilblik !!!).
« En effet, lorsque le client t’a posé des questions pièges, d’une part, tu as répondu en gardant ton calme, sur un ton posé. D’autre part, tu as donné des réponses chiffrées, en les illustrant par des exemples, comme par le rôle des analystes dans ce projet ».
Là, le collaborateur peut identifier ce qu’il a fait de bien, et le reproduire ou s’en inspirer pour la suite.
Insister sur les atouts, c’est travailler son revers, et prendre conscience des moyens dont il dispose pour gagner le match.
Pas d’axes de progrès : des conseils
Une fois qu’on a dit ce qui est bien, on continue par quoi ?
« C’est bien, MAIS… »
Et là, ça casse tout.
L’idée n’est donc pas d’opposer des axes de progrès, ou des points négatifs aux points positifs, mais de bâtir, construire, avancer, progresser…
« EN PLUS… », « LA PROCHAINE FOIS… », qu’est ce que tu pourrais faire, ce que je peux te suggérer.
L’idée ici est de venir en Apposition, et non en Opposition.
Là encore, dire ce qui ne va pas, c’est facile.
Dire ce qui peut être fait pour s’améliorer et venir en conseil, c’est permettre à l’autre de se mettre en dynamique de progrès.
La structure du feed-back
Son feed-back
Je ne dis pas que le manager doit tout faire.
Pour gagner en autonomie, le principal selon moi, c’est que chacun se voit jouer. Aussi, commencer le débrief en demandant à l’autre de s’auto-analyser, c’est lui permettre d’avoir un regard critique sur ce qu’il a fait.
- Lui demander ce qu’il a bien fait, de quoi il est content, ses réussites.
- Lui demander ensuite ce qu’il perçoit comme point de progrès, ce qu’il changerait la prochaine fois, pour faire mieux, ou de façon plus fluide, plus facile, plus confort… (rayez les mentions inutiles)..
Mon feed-back
Compléter par son regard extérieur. En tant que manager, vous avez sûrement un avis, une perception. Vous connaissez aussi certains enjeux. L’idée ici est ainsi non pas d’être critique, mais d’accompagner son collaborateur dans la prise de hauteur.
Illustrer ses propos autour de ce que vous avez constaté de bien, puis ensuite des conseils et suggestions pour la suite.
Tâche
Une conclusion de feed-back que j’aime bien, c’est cette question : « Que retiens tu de ces échanges ?»., ou « Pour la prochaine fois, à quoi fais tu particulièrement attention ?».
Que la personne pioche dans les atouts évoqués ou dans les conseils donnés, dans tous les cas de figure, il a identifié ce qui pourra lui permettre de progresser, de renouveler une réussite ou de corriger son erreur en fonction du résultat de l’action.
Dans le cas où le collaborateur ne sait pas quoi répondre, ou ne voit pas, le manager peut alors proposer une priorité pour la suite
« Pour les prochaines réunions, je te propose de systématiser les exemples lorsque tu abordes les sujets techniques dont on a parlé »
Un mini challenge qui apporte une impulsion dans la conclusion, qui pousse à l’action.
Le manager a ainsi joué son rôle d’accompagnateur, tout en posant une bienveillante exigence.
Et vous, quelles sont vos bonnes pratiques dans les feed-backs ?