Récit d’expérience rédigé d’après les propos d’Éric Rolland recueillis par Marion Lecat (Atelier éditorial Je vous raconte…)
Quand un simple bâton nous en apprend beaucoup sur la dynamique d’un groupe… L’helium stick est un exercice de cohésion d’équipe aussi simple que redoutable !
La règle du jeu est pourtant élémentaire : prenez un groupe, placez les participants en deux lignes face à face, demandez-leur de soutenir un bâton avec chacun deux doigts. Le but est de poser le bâton au sol… oui mais ensemble, tous ensemble, car si un doigt ne touche plus le bâton, on repart de zéro !
À première vue, rien d’insurmontable, mais dans la pratique, regardez le résultat :
De peur de quitter le contact avec le bâton, les participants poussent le bâton vers le haut plutôt que de le descendre vers le sol. Tout le monde parle en même temps et personne ne s’écoute. Pause ! Deux minutes de réflexion et de concertation pour définir une stratégie.
Solution hyper intelligente souvent adoptée : une personne est désignée leader pour donner le tempo au groupe. L’idée était bonne, le bâton monte un peu moins c’est vrai, mais il ne descend toujours pas.
Attention spoiler, je vous livre une astuce secrète : mettre du poids pour sentir le poids du bâton peser sur les doigts. Et le groupe parvient enfin à poser ce bâton au sol !
La morale serait-elle immorale ?
Si la solution est de mettre du poids, comment transposer la métaphore dans les équipes ? Est-ce que je suis en train de vous dire qu’il faut mettre la pression aux équipes pour qu’elles soient efficaces ? Non ! Même si sans une forme de pression bienveillante, on ne voit pas le résultat de nos actions. Mais qu’est-ce qui fait que dans l’exercice, chacun continue à monter le bâton plutôt qu’à essayer de le baisser ? Parce que sans poids, il ne mesure pas l’impact de son action sur les autres, sur le collectif. La morale à retenir de cet exercice serait donc plutôt : organiser et structurer des temps collectifs de partage et de feed-back permet à chacun de prendre conscience du poids de son action sur les autres, et de l’impact du travail des autres sur le sien et donc de rendre le collectif efficace.
Là encore, des pièges sont à éviter parce qu’on connaît tous les réunions d’équipe où chacun parle de ce qu’il a fait et de ce qu’il compte faire la semaine suivante. Personnellement, ce sont ces réunions qui me permettent d’exploser tous mes scores au Candy Crush ! Et pour cause : ces informations n’intéressent pas le groupe mais le manager uniquement. Ce n’est donc pas du collectif mais la somme d’individuels en collectif.
En revanche, si en restituant mon travail j’insiste sur l’impact de mon action sur le travail de mes collègues, et vice et versa, là je donne du poids à mon action et j’ouvre le dialogue avec le groupe.
Les disruptifs
Même exercice, autre groupe avec une attente exprimée en début de cohésion : avoir plus de moments collectifs. Cette fois le groupe est plus gros – 18 personnes – je bricole donc des bâtons plus grands avec plusieurs bâtons de 1 mètre emboîtés les uns dans les autres. L’exercice démarre, les différentes étapes se déroulent avec sensiblement les mêmes résultats : le bâton monte mais ne descend pas. Sauf qu’à un moment, par accident, les bâtons se déboîtent. Plutôt que d’arrêter l’exercice pour le recommencer, un petit groupe poursuit l’exercice en sous-groupes de 6 personnes avec les bâtons raccourcis. Très vite, ce sous-groupe réussit l’exercice, ce qui est exceptionnel, même à 6 ! Ils crient à la victoire mais je les arrête : ce n’est pas une compétition, c’est un exercice de cohésion d’équipe donc tout le monde doit réussir à poser son bâton sur le sol. L’équipe qui avait fini en premier décide donc d’aller aider les autres sous-groupes afin qu’ils réussissent eux aussi. Et ça marche !
Ce groupe a détourné la règle de départ pour créer une règle beaucoup mieux adaptée à leur collectif. Et ils en ont tiré les enseignements dans leur organisation : alors qu’ils pensaient avoir besoin de plus de moments collectifs, ils ont compris qu’ils étaient plus efficaces et performants en sous-groupes. Ils ont donc créé une organisation qui leur est spécifique et qui leur convient avec des réunions en sous-groupes et une communication interne en sous-groupes. Au final, grâce à un incident technique, ils ont fait preuve d’adaptation, de créativité et d’innovation : vive la disruption !