Coaching d’équipe : repérer les dysfonctionnements
Pour faire évoluer une situation, plusieurs étapes sont nécessaires.
Observer et faire un bilan de la situation, identifier les dysfonctionnements, agir dessus.
L’un des sujets que j’affectionne étant la dimension collective des équipes, je vous ai partagé il y a quelques temps les travaux de Lewin, Katzenbach et Smith.
Ils identifient les différents stades de la construction d’une équipe.
C’est bien, cela permet de conceptualiser autour d’un modèle, d’apporter une compréhension, une matrice (mais pas une réalité… cela est bien plus complexe).
Ce concept éclaire, mais n’apporte pas de solutions, de plan d’action.
Que faire alors pour accompagner un groupe à franchir les différentes étapes ?
Pour cela, Olivier Devillard enrichit le thème en identifiant les différents dysfonctionnements observables.
Pourquoi observer ces dysfonctionnements ?
Ils apportent des éléments tangibles, observables, permettant de voir où se situe l’équipe dans son processus de maturité, et de la coacher ou de l’accompagner en conséquences.
C’est donc un bon outil de diagnostic pour identifier le type d’actions à mettre en place.
Les 6 Dysfonctionnements selon Oliver Devillard :
En fonction de son niveau de maturité, nous n’observons pas les mêmes dysfonctionnements au sein des groupes.
Une équipe au sens évoqué dans mon précédent article, est une équipe qui n’a donc plus de dysfonctionnement. C’est d’ailleurs ce qui lui permet de passer dans la catégorie « équipe hautes performances », en mobilisant son énergie sur du constructif, plus que de se concentrer sur les dysfonctionnements.
J’ouvre une parenthèse : on n’est pas non plus dans le monde des Bisounours, oùaucune tension ne règne.
Simplement, les tensions se gèrent plus vite, mieux et de façon plus constructives dans ces cas-là, et l’équipe en tire des enseignements.
Je ferme donc la parenthèse pour me concentrer donc sur les niveaux « collection d’individus », « groupe » et « pseudo équipes », les « équipes » n’étant pas concernées.
Ces dysfonctionnements sont les freins qui empêchent les équipiers de passer à des stades supérieurs et qu’il faut lever un à un, les indicateurs sur lesquels le coach ou le manager peut s’appuyer pour diagnostiquer et agir.
Dysfonctionnements dans les collections d’individus et les groupes
Pour rappel, dans ces étapes-là, on n’observe peu ou pas d’attitudes d’équipiers.
1. Le manque de confiance
Il est le premier des inhibiteurs de l’équipe. Il se caractérise par la méfiance, et se constate par des non-dits, des attitudes rebelles.
Cette méfiance se porte à la fois sur les individus, le groupe et sur les objectifs.
Chacun s’inquiète de son intérêt propre.
Vous avez certainement observé le phénomène dans certaines réunions.
Chacun pose des questions qui lui sont propres, demande à justifier ou expliquer le rôle de son collègue ou voisin….
Situation qui peut aller jusqu’à la querelle de clocher : « oui, mais moi, j’en fais plus », ou « si on fait comme ça, j’en aurais moins que les autres… ».
De façon plus pernicieuse, il y a peu de réactions lors des moments collectifs, peu de participation.
Mais dès lors que la réunion est finie, les langues se délient en petit comité, remettant en cause les décisions, critiquant les objectifs ou la politique abordée en collectif.
2. Le jeu personnel
Ici, il y a un plaisir à jouer, se comparer. Mais pas encore de prise de conscience de ce que pourrait apporter le jeu en collectif.
Imaginez une équipe de foot composée de passionnés. Chacun peut exceller dans son domaine, dans son jeu. C’est le type Coaching d’équipe ou tout le monde essaye d’être le buteur et prend plaisir à vouloir prendre ce rôle.
La satisfaction tient dans le fait de marquer plus que dans celui de voir son équipe gagner.
On retrouve alors des expressions du type « moi, j’ai fait ma part de boulot », « heureusement que j’étais là »
Un cas concret ?
Allez, c’est bien parce que c’est vous.
Lors d’une réunion, sur la demande de certains, le groupe se met d’accord pour promouvoir un produit spécifique, car à fort potentiel.
Or, ce produit dépend d’un département plus particulièrement.
Si au cours de la réunion, tout le monde semble avoir compris que s’impliquer dans la commercialisation de ce produit est bénéfique à l’entreprise, j’entends quelques heures plus tard à la machine à café « ils sont gonflés de nous demander de faire leur travail, c’est pas avec ça que je vais avoir mes primes moi. » (remarque d’une collaboratrice au manager).
A ce stade, le team building peut être un outil efficace pour poser les bases d’un travail collaboratif.
Dysfonctionnements dans les équipes potentielles
Ici, le groupe commence à toucher du doigt ce que pourrait être le travail d’équipe, sans encore identifier clairement ce qu’il peut faire pour être totalement dans ce rôle. Les relations et l’appartenance s’installent, le plaisir d’être ensemble nait progressivement.
Mais les bases sont encore fragiles.
Naissent alors de nouveaux types de dysfonctionnement.
3. L’insuffisance d’élaboration
L’équipe se cherche en tant qu’entité à part entière.
Les personnalités se dévoilent et souhaitent communiquer leurs points de vue, leurs idées, mais sont souvent maladroites dans la façon de faire.
Si dans une équipe constituée, le débat est un art acquis, dans cette phase de maturité, les règles de l’échange se cherchent encore.
Total : soit le débat dérape, soit il est considéré comme improductif, comme une perte de temps.
Les échanges se diluent alors au cours de moments informels, voire n’ont pas lieu, ce qui ne favorise pas la confrontation d’idées, la co-construction et l’évolution des avis.
Apprendre à élaborer ensemble est l’un des premiers pas des équipes authentiques vers l’excellence et un apprentissage à mettre en œuvre en priorité.
Du coup, il peut y avoir perte de performance à ce stade. Chacun a la maturité et la volonté de faire avancer les choses, sait « sortir du cadre » individuellement et se sent suffisamment en confiance pour faire évoluer les procédures standards dans le souhait de gagner en efficacité.
Mais le manque de concertation peut amener des dysfonctionnements, des incompréhensions, des problèmes d’organisation.
D’ailleurs, à la machine à café, les conversations évoluent : les personnes ne sont plus forcément dans l’opposition aux objectifs, mais vont de leurs idées personnelles sur la façon de l’atteindre, voire critiquent la méthode ou les moyens.
Ce n’est pas grave, c’est bon signe, c’est que la situation évolue.
4. L’engagement réservé
L’équipe commence à se révéler, à se souder… mais pas toute entière.
Vous voyez Jean-Pierre, dans le bureau du fond ?
Lui, il a du mal à s’engager, à s’impliquer dans ce collectif.
Il se dit que vu l’ambiance générale qui règne dans l’entreprise, il n’a pas envie de faire partie de cette équipe, même s’il en apprécie ses membres.
En plus, lui qui a de bons résultats, ne voudrait pas que cela baisse à cause des autres, ou ne plus être reconnu LUI pour son travail. Il ne voudrait pas être associé à cette équipe.
Il craint également de devoir assumer une partie de la responsabilité si les plus juniors font des erreurs. Il ne souhaite pas prendre le risque du collectif.
Conséquence de cette attitude: l’équipe n’a pas « la gagne », ne donne pas le meilleur d’elle même.
Il changera peut-être d’avis après cette cohésion d’équipe qui se profile le mois prochain.
Il l’aborde avec un peu d’appréhension et de la curiosité.
5. L’excès d’exercice du pouvoir
On peut y associer le piège de l’expert, ou l’étouffant leadership du manager.
L’expert a été nommé manager car il excellait dans son domaine technique.
Résultat : quand l’équipe a un problème, il a une solution.
Le top leader lui a été nommé pour sa capacité à être suivi. Et il aime ça.
Il tient donc à garder la tête, le pouvoir. C’est d’ailleurs lui qui prend la parole au nom de l’équipe, qui leur insuffle l’énergie. Sans lui, l’équipe est perdue : il est le guide.
Coaching équipeDans ces deux cas de figure, les équipes sont écrasées, l’esprit d’initiative appartient au manager, les membres deviennent passifs : soit par facilité (c’est cool, le chef apporte toutes les solutions), soit par frustration (de toute façon, le chef va encore prendre les lauriers pour lui), soit par manque d’écoute (on peut dire ce qu’on veut, de toute façon, il n’en fera qu’à sa tête)…
Sortir de cette situation nécessite, soit que le manager prenne conscience de ses comportements, soit de coacher l’équipe (lui inclut dans l’équipe) pour faire bouger les comportements du manager.
La demande vient alors souvent de l’extérieur (service RH, manager N+1, équipe…).
6. La peur du conflit
On me demande souvent comment gérer le conflit.
Et si les meilleurs équipés étaient celles qui acceptaient le conflit.
En effet, accepter la confrontation, avoir la Coaching équipecapacité de tenir un point de vue, à dire les choses, même quand elles sont désagréables ou difficiles à entendre.
Autant de caractéristiques qui permettent aux vraies équipes d’avancer ensemble.
Encore faut-il que cela se fasse dans des conditions saines : savoir critiquer l’idée sans attaquer la personne, savoir mettre son égo de côté pour mieux se remettre en question.
Une entreprise qui ne connait pas de tensions est utopique. Liées au contexte, au client, aux enjeux, les tensions sont inhérentes à toute entreprise.
La question n’est alors pas seulement de se demander comment les éviter, mais aussi et surtout comment les traverser sereinement.
Oui, je sais, en disant cela, je risque de heurter certains de mes camarades très à la pointe des risques psychosociaux.
Je les laisse réagir dans les commentaires.
La qualité des vraies équipes est d’avoir la capacité de continuer à progresser dans ces conditions, à accepter ces circonstances.
Or, la peur du conflit est une peur très répandue.
Et la peur elle même est source de conflit. Les équipes qui se jettent dans le conflit par peur ou résistance; ou qui, à contrario, le fuient, auront bien du mal à passer les stades de maturité.
Repérer ces dysfonctionnements
Repérer ces dysfonctionnements permet d’avoir des points de repères, des indices qui peuvent indiquer le niveau de maturité de l’équipe.
Ils permettent aussi d’identifier et de cibler les types d’actions qui peuvent être menées.
Certes, le manager peut influer et accompagner cette progression, mais il fait ou fera partie de l’équipe.
L’intervention d’un externe est ainsi un formidable accélérateur pour franchir ces étapes et avancer plus consciemment et plus sereinement vers un état d’intelligence collective et d’efficacité.
Coacher l’équipe ou le manager ?
Dans un monde idéal, le manager se rend compte de lui-même des fonctionnements de son équipe, il a les capacités pour la faire évoluer, ou se fait coacher pour l’aider à franchir les différentes étapes.
Ça, c’est dans le monde idéal.
Dans la vraie vie, c’est souvent l’équipe, le groupe, qui se plaint de son manager, qui constate ou souffre de ce dysfonctionnement.
Si nous devions faire une synthèse grossière d’un coaching, c’est finalement accompagner une personne dans les relations qu’il entretient avec son entourage.
Le coach peut donc, soit coacher le manager dans sa façon d’aborder son équipe, soit l’équipe dans sa façon de se comporter avec son manager.
Mais nous y reviendrons dans un futur chapitre sur les pistes et solutions à mettre en œuvre (ne soyez pas trop gourmand… pas tout tout de suite quand même…).
Lire le début:
Somme d’individus ou équipe haut potentiel (1), les différents stades de la construction d’une équipe
Lire la suite:
Somme d’individus ou équipe haut potentiel (3) : cerner les attentes ou le début des solutions.
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