J’ai à plusieurs reprises constaté les bienfaits du questionnement comme outil puissant de management.
En effet, au travers des différentes formations que j’anime, plusieurs de mes participants ont eu l’occasion de témoigner de leurs expériences, que je vous propose de partager ici.
Un exemple
La situation s’y prête, puisqu’il s’agit d’apporter des outils de coaching à utiliser dans le cadre du management. L’un des premiers outils à tester est donc tout naturellement le questionnement.
Après quelques consignes, les participants partent tester en binôme lors d’un exercice, avec comme précision de reprendre des situations réelles pour leur exercice.
Ce qui m’a surpris ici est la réflexion de l’un d’eux, à leur retour.
« C’est dingue. Ca fait quatre ou cinq jours que je retourne mon problème dans tous les sens. Et là, en 10 minutes, j’ai trouvé une solution. »
Un contre exemple
Au cours d’un atelier d’échange de pratiques, les participants doivent réfléchir ensemble à « comment résoudre une situation ».
Un trinôme nous présente sa situation, sa solution, puis le reste du groupe enrichit.
L’exercice se déroule en plusieurs temps, dont une phase de questionnement, et une phase de proposition de solution.
Lors de cette session, je m’amuse à interpeler plus particulièrement 3 participants, qui ont une tendance dans leurs questions à faire des propositions déguisées.
- « Est-ce que tu ne penses pas que tu aurais dû en parler à ton collaborateur ?
- « Pourquoi n’as tu pas travaillé avec lui sur ce sujet ? »
- « Est-ce que tu as fait un tableau récapitulatif de ces données ? »
- « Ne crois tu pas qu’il pourrait mal le prendre ? »
- …
A chacune de ces questions, je leur demande s’il s’agit d’une vraie question, ou d’une proposition. A chaque fois, ils reconnaissent que c’est plus une proposition, une remarque.
L’observation aurait pu s’arrêter là, sauf qu’une situation frappante nous a sauté aux yeux, à moi et au reste des participants.
En effet, après plusieurs cas traité, un nouveau trinôme évoque sa difficulté. A priori, un problème de motivation ou de confiance en soi chez un collaborateur qu’ils ont du mal à gérer.
Et qui est dans ce trinôme ?
Mes 3 « repris de question »
En racontant leur façon de faire, devinez ce qui ressort !
Eh oui, alors qu’ils sont persuadés de laisser de l’autonomie à cette personne, ils procèdent en fait avec lui comme ils l’ont fait précédemment : en donnant leur solutions, plutôt que de le laisser essayer. Total : leur collaborateur est démotivé.
Comment en ont-ils pris conscience : par les questions de leurs collègues.
Un état d’esprit : ne rien vouloir pour l’autre.
Alors qu’est-ce qui fait que le questionnement du manager est plus ou moins efficace, plus ou moins pertinent.
L’une des difficulté du manager qui questionne son collaborateur, c’est qu’il fait partie de la situation, ou au moins qu’il en a une expérience, un avis.
Sous la pression du résultat, les délais, la tendance naturelle est donc d’apporter des solutions.
Ces solutions sont souvent emprunte à sa propre expérience, son propre point de vue.
Et il est difficile de s’en départir.
Et pour peu que son niveau d’exigence soit élevé, peut venir, en plus, la volonté que ce soit fait selon ses directives, attaché à la fois au « combien » et au « comment ».
S’il veut développer l’autonomie et la responsabilité de son collaborateur, que peut-il faire pour s’en détacher et l’aider à trouver ses propres solutions. ?
L’un des outils que je leur donne dans ces cas là : les registres de communication.
Faits / Opinions / Sentiments
Eric Berne, père de l’Analyse transactionnelle, identifie 3 registres de communication.
- Le Parent, qui communique sur le registre des Opinions,
- L’Enfant, qui communique sur le registre des sentiments, de l’émotion
- L’Adulte, qui communique sur le registre des faits.
En interaction, nous utilisons les 3.
Or, d’Opinion à Opinion, soit nous nous confrontons, soit nous nous confortons.
L’opinion est liée à nos croyances, nos éducations. Nous avons tous des opinions propres.
Normal, nous avons tous des histoires différentes.
Ainsi, si nos opinions sont différentes, cela peut aller jusqu’au conflit, à l’opposition.
Si elles sont similaires, cela les conforte et les renforce de façon irrationnelle, irréfléchie.
Si vous voulez vous en convaincre, il suffit d’observer les politiques. Vous constaterez souvent une opposition de principe : l’idée est forcément mauvaise car elle vient du camp adverse, bonne si elle vient du mien, a moins que je ne veuille devenir Khalife à la place du Khalife.
Les Emotions sont propres à l’individu. Elles aussi, liées à son histoire, mais égaiement à sa personnalité, sa sensibilité.
Elles sont toujours vraies, ne se discutent pas.
Lorsque un enfant a peur d’un chien, dites lui que ça ne sert à rien d’avoir peur tout en restant loin derrière lui. Vous verrez…. Il n’aura pas moins peur.
Le seul registre qui permette de confronter les situations est le registre des Faits. On peut les comparer, les analyser.
Alors comment utiliser cela lors du questionnement ?
Les opinions et les sentiments sont les moteurs et les freins de l’individu.
Questionner un collaborateur sur ce qu’il pense de la situation, comment il la vit, comment il se sent, permet de mettre le doigt sur ce qui le fait avancer ou le freine.
Or, c’est un registre sur lequel les managers ont du mal à aller, par crainte ou par pudeur.
Creuser les opinions et les émotions permet de relativiser les faits, d’identifier des actions concrètes possibles.
Au lieu de ça, ce qui ressort de leur questionnement, ce sont plus leurs propres craintes ou leurs propres opinions.
Dans les questions « Est-ce que tu ne penses pas que… », « As tu essayé de… ? », le manager émet sa propre idée.
Dans « Ne penses tu pas qu’il aurait pu mal le prendre ? », il émet ses propres craintes.
Questionner ouvertement, sans faire preuve d’écoute projective, serait finalement :
D’aller creuser sur les faits, bien sûr.
Mais également d’aller creuser sur les opinions et les ressentis de son collaborateur, en faisant attention de ne pas faire intervenir ses propres freins et ses propres opinions.
En scindant ses entretiens en une partie pure questionnement ouvert, et une seconde partie feed back comprenant remarques et suggestions, cela permet d’enrichir vraiment son collaborateur, de lui permettre enfin de révéler tout son potentiel, tout en assayant sa légitimité de manager.
Alors, prêts à ne plus conseiller ?